Je me suis arrêtée au col du Perthus. Par Florence Jou

Publié le par L'Oeil du pharynx


Mardi soir, je me rends au Campo Santo pour assister à la représentation de "Perthus" de Jean-Marie Besset. Je frétille, je suis impatiente, je n'ai pas encore d' I-phone et je ne connais ni l'auteur ni la pièce. Mais « elle triomphe à Paris ! ».

Je suis donc avertie, bien que la tramontane souffle et que le ciel me menace.


Je m'installe.

La mise en scène est la suivante : quatre chaises sur une estrade de bois.

Paul et Jean-Louis apparaissent.

Puis leurs mères.

Puis le vélo.

Puis ils empilent les chaises.

Puis ils enlèvent les chaises. En deux heures.


Je regarde souvent autour de moi l'assistance suspendue aux digressions de deux mères, jouées par deux hommes, et dont on ne verra pas les maris. Deux mères possessives avec des accents grotesques de la cage folle.

Mais le texte n'est pas fou. Le texte est plat. Il parle d'adolescence, d'homosexualité refoulée, de désirs de grandeur, du lycée Pierre Fermat.

Je touche mon coeur. Il ne palpite pas. Mes zygomatiques sont faiblards. Les deux jeunes gens jouent « cours Florent », les deux mères sont « abusivement » masculines, les rires sont « forcés », le texte se couvre de pseudo-raisonnements ontologiques, de comparaisons maladives à Auschwitz... Des castes, des juifs aux homosexuels qu'on voudrait contraindre et forcer à se taire ! Bordel, le monde va mal...

Comme le théâtre.....

Bordel. Ai-je encore envie de dire. Le théâtre est sensé porter des revendications, attaquer le spectateur et lui proposer aussi de revenir sur son quotidien et sur sa conception de la vie. A la place, on me propose un tour de vélo, et des tournées de clichés.

Néanmoins, je tiens le coup. J'attends la chute, je me perds avec Jean-Louis et Paul.

Ils passent leur bac, l'un viole une fille, l'autre l'aime éperdument. Putain, quelle tragédie...

Je pense même à la Bérénice de Lambert Wilson, et j'ai une pensée émue.

Et à la fin,

la fin...

les deux jeunes hommes, aux parcours opposés " la littérature contre les mathématiques, l'humanisme contre le cartésianisme " se retrouvent au cimetière, devant deux pots de fleurs pour constater le sordide de leur vie.


Pathos et dérision...

Et sous cette scène, nous contemplent Céline ou Jarry qui auraient fait couler de la bile jaune sur des mots et des spectateurs.

Mais chut, on me reprocherait d'être passéiste...


Le col du Perthus est fermé.


Publié dans Théâtre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article